lunes, 28 de septiembre de 2015

Irréductible Afrique, par Anne-Cécile Robert (Le Monde diplomatique, octobre 2015)

Irréductible Afrique, par Anne-Cécile Robert (Le Monde diplomatique, octobre 2015)







Irréductible

par Anne-Cécile Robert,
octobre 2015 
 











Qui l’eût cru ? L’Afrique est à la mode. Elle croule même sous les déclarations d’amour. « Le XXIe siècle sera celui de l’Afrique », affirme l’omniscient Jacques Attali ; « L’Afrique, notre chance ou notre drame », s’exclame l’ancien ministre centriste Jean-Louis Borloo ; « Nous avons le devoir d’agir, nous devons agir » pour l’Afrique, qui est « une cicatrice sur la conscience du monde »,
estime l’ancien premier ministre britannique Anthony Blair, etc. Et
chacun d’y aller de son initiative : PlaNet Finance (Attali), fondation
Energies pour l’Afrique (Borloo) ; Africa Governance Initiative (Blair).





Les esprits chagrins remarqueront sans doute que ce bel enthousiasme
n’est en rien désintéressé. M. Attali inscrit ouvertement sa nouvelle
passion dans la promotion des intérêts économiques de la France. « Nous, en Europe et en particulier en France, devrions considérer l’Afrique comme un formidable potentiel de croissance », écrit celui qui a y effectué, dans les années 1990, de juteuses missions de conseil (1). « Si
l’on sait y organiser des partenariats pour y développer sur place les
ressources naturelles, au lieu de les abandonner aux Chinois et aux
Américains, une fois de plus ligués contre les Européens.
(...) Si l’on sait ainsi, au-delà de tout altruisme [sic], dont il ne faut rien attendre, préparer notre avenir, en nous accrochant à cette formidable locomotive » (L’Express, 16 novembre 2009). Une vision que M. Borloo résume sobrement : « Le plan de relance européen, c’est l’Afrique : un enfant de sixième le comprend parfaitement » (Le Journal du dimanche,
26 avril 2015). Idem pour M. Blair, dont l’intérêt pour le continent a
étrangement coïncidé avec ceux du Royaume-Uni lorsqu’il était premier
ministre : « Sur le plan économique, estime Paul Williams, le
gouvernement s’est inscrit dans les priorités historiques
traditionnelles du pays, préférant aider ses multinationales à investir
que les pays aux plus grands besoins
 (2). » Et voilà comment, parés des meilleurs sentiments, tenter ce que le bloggeur congolais Mingwa Biango appelle une « recolonisation en col blanc » (congo-liberty.com).